lundi 18 mai 2020

En 2020, reprise, relance et ou opportunité d'une vraie transition pour la forêt et le bois

La crise sanitaire actuelle est mondiale. Chacun se plait à y trouver la confirmation de ses positions antérieures dont, récurrentes, la dénonciation de l’absence de la prise en compte du long terme dans les politiques publiques et la nécessité d’un Etat conservant pleinement sa capacité d’intervention, point que l'AFEF soutient depuis longtemps dans le domaine forestier.
Cette crise conduit à se reposer des questions de fond sur le développement de la planète et de répondre à la problématique du changement climatique et ce, sans cautionner la thèse d'un coronavirus vengeance de la nature outragée par l'homme, ou punition divine pour ses atteintes... Nous devons donc poursuivre nos réflexions pour redonner à la forêt et au bois toute leur place dans l'économie et l'écologie de notre pays.

Cette crise conduit à se reposer des questions de fond sur le développement de la planète et de répondre à la problématique du changement climatique et ce, sans cautionner la thèse d'un coronavirus vengeance de la nature outragée par l'homme, ou punition divine pour ses atteintes...
Nous devons donc poursuivre nos réflexions pour redonner à la forêt et au bois toute leur place dans l'économie et l'écologie de notre pays.

Il faut souvent un grand choc, pour engendrer un vrai changement.

Après les traumatismes de la Seconde guerre mondiale, le gouvernement de Charles De Gaulle, à la suite du rapport Leloup remis le 18 mai 1945, avait su refonder une vraie politique forestière pour la France. En effet la création de l'Inventaire Forestier National (IFN fusionné depuis avec l'IGN) qui manquait tant pour la connaissance de notre forêt, et celle du Fonds Forestier National (hélas disparu en 2000) qui fut, pendant un demi-siècle, un outil remarquablement efficace de reboisement, furent deux véritables décisions historiques de politique forestière, transcendant notre forêt. Nos récoltes actuelles, notamment de douglas en sont le fruit.
Par une loi de 1963, Pisani posa les bases d'une organisation des forêts privées, notamment par la création des CRPF, puis en 1965 il mit en place l'ONF pour améliorer la gestion des forêts publiques (voir dans la troisième partie, contemporaine XXe siècle, pages 189 et 190, et pages 203 et suivantes, in "Histoire des Forêts Françaises" paru en novembre 2019).

Aujourd'hui, malheureusement, l'Etat ne se préoccupe plus guère de la "forêt", vu le nombre indigent de fonctionnaires qu'il lui consacre encore, au niveau central comme dans les régions et les départements ; la gouvernance de la forêt qui couvre le tiers de notre territoire est sacrifiée.

Il faut à nouveau une véritable réaction, de même ampleur que celle d'après-guerre. En effet la forêt française est sous-exploitée, ne récoltant que la moitié de sa production biologique, mais, simultanément, se profilent de futurs trous de production pouvant très gravement perturber dans les trente ans à venir l'approvisionnement en bois, essentiellement résineux (épicéas, douglas), de nos entreprises.

En octobre 2007, le Grenelle de l'environnement avait fait de très intéressantes propositions pour la forêt et le bois ("produire plus, tout en préservant mieux la biodiversité") et il avait été suivi de plusieurs textes législatifs.
Depuis les Assises de la forêt en octobre 2019 suivirent une démarche analogue. Enfin, en cours, la "Convention citoyenne pour le climat" réfléchit, avec ses citoyens tirés au sort, aux propositions pour réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

Aujourd'hui c’est une véritable mutation qu'il nous faut, donnant une vraie place à la forêt et au bois, renouvelables.

Il nous faudrait véritablement "changer de logiciel", pour passer d'un tout financier mondialisé, à une vision plus naturelle et relocalisée, capable d'apporter ce que l'industrie du bois réclame aujourd'hui et demandera demain, une vraie transition écologique.

Notre forêt est l'une des plus importantes d'Europe et n'est pas délocalisable ; en revanche beaucoup d'industries dont les médicaments et les masques notamment pour la sécurité... sont relocalisables ! Devant les excès d'une mondialisation débridée de l’économie, des transports, et de quelques-uns de nos bois qui font le tour de la terre, une action de relocalisation pourrait faire partie de la solution.

Il nous faut à la fois un vrai changement de la place de la forêt et du bois dans l'économie nationale, européenne et mondiale ; la décarbonatation de notre développement vers un modèle plus soutenable, doit ainsi être accompagné de reboisement ; pour cela il faut réinventer et reconstituer un "Fonds de reboisement et d'adaptation au changement climatique" (FRAC du rapport Puech), et préparer une forêt soutenable sans les trous de production prévisibles sous peu, car ils se profilent déjà.
Bref il faut une vraie vision politique et réinventer notre futur.

La forêt et le bois ne doivent pas rater la reprise ou la relance de l'économie qui devra suivre le déconfinement, pour y avoir une place plus juste dans l'intérêt général. Une vraie rupture est possible vers un développement plus soutenable, faisant beaucoup plus appel au matériau bois, un vrai matériau biosourcé et soutenable, indéfiniment renouvelable, et moins à des matériaux coûteux en énergie fossile et ceci pas seulement dans le domaine de la construction.

L'AFEF, association crée en 1925 et reconnue d'Utilité publique depuis 1937, avait justement déjà organisé le 26 septembre 2016 un colloque "Pour un essor de la filière forêt-bois", rassemblant, au Palais du Luxembourg, 250 personnalités de la filière en présence du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Il commença par le rappel de la cinquantaine de rapports sur le sujet depuis un demi-siècle, globalement tous concordants.
Les actes de ce colloque ont été publiés, et l'AFEF en a tiré "Dix propositions" approuvées par son Conseil d’Administration les 8 février et 19 mars 2018 ; elles ont été portées le 26 mars 2018 à Monsieur Emmanuel MACRON, Président de la République, ainsi qu'à tous les ministres concernés, à la presse et à la filière.

Aujourd'hui, avec le "confinement", le temps n'est plus à de grands rassemblements, à des "Etats-généraux de la forêt et du bois" qui seraient nécessaires, ce qui n'exclut pas cependant que des réflexions soient à conduire avec les moyens modernes de consultations virtuelles ou numériques.


L'AFEF serait tout disposée à participer à une nouvelle réflexion et à des propositions d'actions réelles et concrètes pour la filière et la planète ...

dans le contexte du changement climatique, chacun sait maintenant que des dispositions fondamentales sont à prendre pour tenter d'y remédier, et que la forêt et le bois font partie des principales solutions.

Cependant il est à craindre que les urgences concrètes immédiates -relance nécessaire d'une économie sinistrée, sanitaire, restauration, tourisme, culture- ne diffèrent, ne relèguent encore à plus tard, les réflexions et réformes de fond attendues pour le monde de la forêt et de la nature ; l'histoire nous rappelle que selon de vieilles pratiques ou habitudes politiques, il en est trop souvent ainsi.
Et pourtant soutenir la filière forêt-bois serait un investissement parmi les plus rentables de l'économie verte.

La forêt doit bien être au coeur de nos préoccupations et de celles de nos dirigeants, et doit être protégée simultanément pour sa fonction productive et séquestratrice de carbone et pour son rôle d'équilibre de la planète et de réservoir majeur de la biodiversité.

Jean-Marie BALLU
Président de l'AFEF
Association Française des Eaux et Forêts

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Référence 1 : Grenelle de l’environnement et Assises de la forêt. Plan d’actions pour la forêt (cf. Ségolène Halley Des Fontaines) et conclusions du Président de la République le 25 octobre 2007.
Les concertations conduites ont permis de tracer quelques grands axes de travail qui concernent très largement la forêt et le bois (bâtiment, efficacité énergétique, énergies renouvelables et carbone, ressources naturelles et biodiversité, territoires).
Le Grenelle avait ainsi placé la filière forêt-bois dans les enjeux permettant de répondre au défi du changement climatique.


Référence 2 : Rapport Puech "Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois", remis le 6 avril 2009 au Président de la République, suivi le 19 mai 2009 du discours d'Urmatt du Président de la République, (les deux largement approuvés par la filière) et suivis d'une douzaine de décrets et arrêtés, dont l'isolation par l'extérieur, biomasse, etc…

Référence 3 : Colloque AFEF du 26 septembre 2016 au Sénat et 10 propositions de l'AFEF de mars 2018. Actes disponibles sur demande à la librairie de l'IDF/CNPF : https://www.cnpf.fr.
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Référence 4 : Assises Nationales de la Forêt du 23 et 24 octobre 2019.

Référence 5 : Convention citoyenne pour le climat (en cours).

Référence 6 : Histoire des Forêts Françaises paru en novembre 2019 (voir troisième partie contemporaine XXe siècle, pages 183 à 233).

Référence 7 : "Repenser les usages de la nature : une perspective forestière", texte d'analyse très complet de Geneviève Rey et Daniel Perron paru le 6 mai 2020 sur le site de la Fondation Jean Jaurès : https://jean-jaures.org.
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